Paroles de participant.e

Le témoignage de Guillaume Tardé (#4)

Guillaume (épisode #4) avec lequel j’ai eu la joie d’enregistrer en octobre 2021, au lancement du projet, m’a fait parvenir fin janvier un soir, le sublime texte suivant :

« Les réverbères jettent sur la rue une lumière jaune diffuse. La rumeur de la ville s’est évanouie sous les coups de pédales et la nuit a déjà posé sa chape de silence quand j’arrête mon vélo. Un passage s’ouvre sur la gauche, entre deux grilles. 18h55, j’ai 5 minutes d’avance.

Je pose pied à terre et m’engage sous la voûte qui indique l’entrée de la Kunstfabrik. L’obscurité couvre d’un voile d’ombre les façades normalement rougeoyantes. L’enfilade de bâtiments forme une masse noire, émaillée par endroits de lanternes murales. Depuis ma première visite quelques semaines auparavant, le lieu s’est chargé de pudeur. En septembre, l’ancienne usine, désormais occupée par des ateliers d’artistes, avaient ouvert ses portes aux curieux. Invité à découvrir l’univers de Seboh Creation et à en brosser un portrait pour Lepetitjournal.com, je rencontrais pour la première fois Gabrielle à cette occasion.

Dans l’atelier de Seb, je m’efforçais de noter chaque détail. Les toiles cachaient des feutres et des bombes de peinture dans un désordre organisé qui donnait à la pièce des allures de cabinets de curiosités. Dans l’encadrement de la porte, une jeune femme observait la scène avec attention. Gabrielle, comme ma responsable la saluait, se présenta. Elle était l’agent de Sébastien à Berlin et avait fait l’intermédiaire entre l’artiste et le journal. Après une longue discussion et quelques prises de notes sur Seb, je fus convié à partager une bière. Sortis fumer une cigarette sous un plafond de nuages, qui parfois déchiré laissait entrevoir une étoile, je faisais connaissance avec Gabrielle. Au fil de la conversation, elle me racontait son parcours en m’interrogeant sur le mien. Mon intérêt pour l’écriture dévoilé, elle ne put cacher son impatience de lire le portrait de Sébastien. Je décelais alors dans son regard une pointe de défi, que je savais annonciateur d’une critique acérée mais juste sur mon travail.

L’article publié, une légère appréhension remplaça mon empressement de recevoir les premiers retours. Le portrait en ligne, j’attendais que la sanction tombe, les yeux rivés sur mon téléphone.
« Professionnel », « bien écrit », « félicitations ». À la lecture des mots de Gabrielle, je ne pus m’empêcher de penser à son air malicieux de défi, relevé semblait-il. Ce n’est qu’un mois plus tard qu’elle me convia à participer à son podcast « Berlin de toi » qui tire le portrait des francophones à Berlin.

La porte rouge du bâtiment s’ouvre brusquement, déchire le silence et me sort de mes pensées. 19h00. C’est l’heure d’enregistrer.
Je monte les marches, guidé par Gabrielle qui m’emmène dans l’atelier de Sébastien qu’elle a transformé en studio d’enregistrement pour l’occasion. Je découvre une pièce bercée dans une ambiance chaude, au milieu de laquelle trône une vaste table. L’éclairage, une simple ampoule allumée dans le coin droit de la pièce, jette sur les murs des éclats orangés. Sourire aux lèvres, Gabrielle est chargée de l’énergie vibrante des premiers pas d’un projet. Si je ne suis pas le premier invité, elle débute et à mesure que je m’installe, son excitation me gagne.

Le casque que je mets sur mes oreilles me plonge dans le cœur de l’exercice. L’intimité de la pièce pose les voix, feutrées en outre par le traitement des micros. J’ai l’impression qu’une bulle m’enveloppe et je fais abstraction du décor, concentré sur la discussion. Gabrielle a parfaitement préparé et les questions se succèdent, fluides, pertinentes. Les anecdotes fusent, le temps s’arrête et je me livre. Nos voix s’accordent à mesure que l’enregistrement se poursuit pour finalement jouer la même partition, qui se termine une heure et trente minutes plus tard. Gabrielle pose son casque sur la table et me regarde. « C’était ouf non ? ». Ça l’était en effet.

Papelard d’un instant suspendu hors du temps,
Bercé d’histoires dessinées sur les parois,
D’une mémoire éveillée délicatement,
Par les questions de Gab pour Berlin de Toi. »

Merci beaucoup Guillaume, pour ta plume et tes jolis mots ! Réécoutez cet épisode incroyable et suivez les aventures de Guillaume sur Instagram et LePetitPapelard.