Rien n'est noir (2019)de Claire Berest
Écouter l’autre, prêter l’oreille et le coeur, poser des questions. Le podcast est un exercice de paroles et de conversations. Nous découvrons une personnalité par sa voix, et sa voie par les mots (une blague qui marche mieux à l’écrit). Le podcast fait appel à l’ouïe. Il impose de suivre le rythme d’un échange (même en écoute accélérée). Le livre soumet à la lecture et son temps long.
Aujourd’hui, je me réjouis de vous présenter Rien n’est noir de Claire Berest, publié en 2019.
Rien n’est noir est un roman. La biographie d’un amour, celui de l’extraordinaire couple que formaient Frida Kahlo et Diego Rivera.
À travers une symphonie de couleurs, nous traversons le tumulte des amours des deux immenses artistes mexicains du début du XXe siècle.
Une lecture sensuelle, bouleversante, haletante, indispensable. Claire Berest nous fait assister, d’un point de vue incroyablement intime à ce qu’a pu être le quotidien des deux titans, de leur rencontre jusqu’au décès de Frida.
Le style est sublime et la romance bien ficelée. L’Éléphant et la Colombe portaient déjà en eux les composantes de leur mythe, Claire Berest signe un hommage vibrant, qui leur assure sans doute la postérité d’une façon aussi éblouissante que l’était leur art.
Couverture du roman
Frida, kiss me hard de David Simonetta
Avis personnel :
Un must. Le jeu d’écriture nous invite au coeur de la relation de Frida et Diego. Si la romance se concentre principalement sur Frida, l’auteure introduit avec finesse les sentiments de Diego. S’en suit la construction d’une fragile représentation de ce qu’a pu être et signifiée la relation pour chacun d’entre eux.
Au fil des pages, nous redécouvrons plusieurs oeuvres, des personnalités connues d’alors, le fatras de leur démesure. La fièvre des années 1920 et l’ébullition politique et artistique de l’époque. Quand on referme les dernières pages, on a l’impression d’avoir parcouru le monde et plusieurs décennies. Une prouesse aussi lumineuse que poétique.
Ces citations qui m’ont marquées :
« Elle le deshabille, fait coulisser la ceinture pour délivrer les larges vêtements informes, cherchant un chemin dans l’abondance se dépêtrant des grosses chaussures noires qu’il faut tirer sec, lui laissant sur le crâne son stetson, désentraver ce corps de Diego, connu jusqu’en Europe, totem fabuleux, qui a deux fois son âge et dix vies d’avance sur elle, elle prend le dessus, aucun des deux ne rit, trop troublés par l’urgence, elle se penche en amazone, embrasse ses seins d’homme, consciente du carnaval de fesses et de femmes, passées avant elle, expertes, vertueuses ou dépravées, qui ont fait les mêmes gestes sans faire les mêmes. Le sexe est toujours une premiere fois. »
« Diego peint le monde entier sur les murs en cherchant un éclat transcendant. Frida peint le détail sur des toiles minuscules et ne cherche rien. Pourtant elle capture le monde entier. »
« C’est dur de tomber quand on a été reine. »